L'autre facette de l'effet Obama sur l'Afrique
Au delà de la fierté retrouvée du peuple noir qu’a suscité l’élection de Barack Obama en tant que 44è président des Etats-Unis, l’effet Obama s’est accompagné d’un élan d’espoir et d’optimisme au sein d’une jeunesse africaine avide de créativité, de nouveauté et d’éveil. Sauf que, poussé dans ses extrêmes, le souffle novateur venant du cousin Obama a vite fait de se muer en ambitions démesurées de plus en plus perceptibles à travers le continent. On en arrive ainsi à se découvrir subitement des talents pour la politique et à se déclarer, sans aucune retenue, futur président ou présidentiable du Cameroun. Dans l’euphorie de la découverte de cette soudaine vocation, on a tôt fait d’annoncer sur le Web et dans les journaux ses intentions de mener le Cameroun à la prospérité.
De Dschang à Buéa
Octobre 2008. Kene Ludovic, étudiant à l’Université de Dschang, élabore un projet politique baptisé Solution Camer dans lequel il se propose d’incarner le leadership politique dont le Cameroun a besoin. Il fait publier son programme politique général sur un blog, solutioncamer.ivoir-blog.com et sur le site d’informations camer.be. Pour financer son immense projet, il dit pouvoir, comme Obama, « récolter des fonds sur le Net » via son blog. Sauf que le meeting qu’il organise dans un amphi de l’Université n’enregistre de présence que la sienne et que son blog ne réussit qu’à récolter des réactions sceptiques et parfois moqueuses. Ce couac le ramène sur terre et l’amène à des ambitions plus réalistes.
Début janvier 2008. Christ També Tiku, secrétaire régional de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés pour le Sud-Ouest fait publier par l’hebdomadaire The Post ses intentions audacieuses de devenir le prochain président du Cameroun. Evidemment, il s’estime prêt et pense être la solution aux problèmes des camerounais.
Nul doute qu’il soient très inspirés, mais l’essentiel est bien loin de cette frénésie qui parvient à nous téléporter miraculeusement aux Etats-Unis alors qu’on est bel et bien au Cameroun qui, en tant qu’Etat pauvre et hautement corrompu, s’accommode mal de tels projets. Et bonjour la désillusion aux conséquences psychologiques désastreuses. A travers le continent, beaucoup se sont vite réalisés grand orateur, fin stratège et homme politique idéal.
Coordonner la nouvelle donne issue d’Obama
L’impulsion de positivité apportée par Obama a certes réveillé la jeunesse du continent, mais génère également des revers liés à une politisation à outrance de la jeunesse. Les cas précédents illustrent un climat plus global de floraison de vocations politiques spontanées. Non maîtrisée, ce souffle à la vérité louable risque d’être inutilement gaspillé, faute d’organisation. La coordination de nouveaux mouvements et élans individuels qui s’inscrivent dans la mouvance d’Obama devient une urgence. Les partis politiques ont là une trésor qu’ils devraient exploiter en cadrant et canalisant le rêve de tous ces camerounais qui ne veulent qu’une chose : servir leur nation et domestiquer le « Yes we can » d’Obama. La détermination qui suit ce processus d’obamanisation de l’Afrique est d’une ampleur telle qu’elle représenterait, si coordonnée, une force sociale et politique susceptible de répandre un parfum d’intégrité et de créativité sur le continent tout entier. En plus de la « satisfaction symbolique » et « du sentiment de fierté » que décèle l’historien Pape Ndiaye, Obama représente un tonus frais à mesure de booster, psychologiquement au moins, la ferveur et l’engagement citoyen du jeune africain.